Partage avec un spectateur
Dans une idée de partage et d’expérience, avoir le retour d’un spectateur est précieux. Je lui ai demandé de me faire un texte sur les oeuvres qu’il a voir.
Ce texte retranscrit son point de vue, ses émotions et ses craintes devant la toile.
Si je n’étais pas, je serais des lignes cherchant à échapper au cadre.
Si je n’étais pas, je serais une danse non euclidienne de joyeuses géométries.
Si je n’étais pas, je serais un boisseau de couleurs encrées sur une surface mouvante.
Mais, je suis.
Je suis curieux de ce paysage onirique qui traverse la toile, de ces trajets improbables qui transcendent une surface, fragmentant celle-ci en feux d’artifices. Je me promène et vagabonde dans des entrelacs de visons soutenus par un compas et une boussole. Angles et courbes. Courbes et dénivelés. Force centrifuge et gravité axiale.
Perdu pour perdu, je m’enfonce un peu plus profondément dans les sous-bois pour y retrouver le caléidoscope de mes souvenirs d’enfance…
Une nuit d’orage, un chemin de poussière et de soleil, une veille maison vermoulue mais accueillante, mon premier hiver et ce ciel hachuré de flocons de neige, la toile d’araignée qui souligne si bien les angles…
Tout est là, à portée de regard, rangé et ordonné, strates et couches, effiloché et confrontation. Je suis humain, la contradiction et la poésie me sont aussi nécessaires que l’air que je respire. Sous mon absolu pragmatisme, je cache mes béances et mes jeux d’enfant, mes peurs et mes joies, mon monde et mon voisin.
Je rouspète et je tangue, envoyant aux cieux une joyeuse logorrhée de bulles de savon. Je me cherche et ne trouve que mon souvenir. Je me souviens que je fus, chaque trait qui s’accumule me rapproche de mon unité. Elle est là ! les forces en compétition finissent par créer un tout en équilibre sur le tranchant du présent. Sur des pages vierges, des boucles cinématographiques s’égaillent en racontant mes histoires dans un flou sépia qui laisse entrevoir ce squelette que je fus.
Aujourd’hui. Maintenant. Là.
Merci Carlos